L'homéopathie à la française, repères historiques 1830-1915 - Dr F. GASSIN
L’HOMEOPATHIE A LA FRANÇAISE
REPERES HISTORIQUES (1830-1915) HIPPOCRATE (460-350 av. J. C.) et Paracelse (1493-1541) établissent les principes d’une méthode médicale clinique et thérapeutique. Ces principes sont au nombre de quatre, énoncés par PARACELSE : 1- la médecine est fondée sur l’étude des lois de la Nature 2- le malade doit être individualisé c’est-à-dire : « les caractères de la maladie sont ceux de l’individu malade » 3- le remède doit être individualisé c’est-à-dire correspondre à la forme que la maladie revêt chez un malade déterminé
4- le remède doit être utilisé selon le principe de similitude (similia similibus curantur).
PARACELSE justifiait l’hippocratisme et était ainsi le précurseur de l’homéopathie. (ROLLIUS en 1608 reprend dans son ouvrage, “la Royale chimie”, les principes de similitude qu’il complète par le principe d’infinitésimalité). Enfin pour HOFFMANN (1660-1742) la médecine doit reposer sur le raisonnement et l’expérience. La voie était tracée pour HAHNEMANN.
Samuel HAHNEMANN (1755-1845)
Médecin formé à l’école classique (Leipzig puis Vienne, thèse à Erlangen en 1779), Hahnemann est également chimiste et minéralogiste. Thérapeute avant tout Hahnemann souffre de l’impuissance des moyens de l’époque (saignées, lavements, etc...). Il redécouvre le principe de similitude par autoexpérimentation (quinquina 1790) En 1796, il crée l’homéopathie, qu’il énonce ainsi : “le médicament qui, en agissant sur les hommes bien portants, a pu produire le plus de symptômes semblables à ceux de la maladie dont on se propose le traitement, possède, lorsqu’on l’emploie à des doses suffisamment atténuées, la faculté de détruire, d’une manière prompte et radicale et durable, l’ensemble des symptômes du cas morbide”.
Ainsi Samuel Hahnemann a redécouvert les principes hippocratiques et paracelsiens : similitude, individualisation du malade, individualisation du médicament... il y ajoute l’expérimentation sur l’homme sain et l’utilisation systématique de doses atténuées faibles, voire infinitésimales.
L’HOMEOPATHIE EN FRANCE (1833) A partir des années 1830, l’homéopathie se répand en Europe et dans le monde. En 1833, Pierre DUFRESNE, de Genève, fonde la Société Homéopathique Gallicane qui regroupe les médecins homéopathes francophones (Suisses, Belges et Français)
Le 7 juin 1835, Hahnemann s’installe à Paris et obtient l’autorisation d’y exercer ce qu’il fera jusqu’à sa mort, le 2 juillet 1843, à l’âge de 88 ans.
1835 : début de la séparation entre Homéopathie “pure” et homéopathie “éclectique”.
Au congrès de Paris de 1835, Hahnemann s’écrie : “je ne reconnais pour disciple que ceux qui pratiquent l’homéopathie pure, dont la médication est absolument exempte de tout mélange avec les moyens employés jusqu’ici par l’ancienne médecine”. La querelle opposant les médecins homéopathes “classiques” ou “puristes” et les médecins homéopathes “cliniques” ou “éclectiques” est sur les rails pour foncer jusqu’en 2007-2008.
Le seul jour de répit sera le 2 juillet 1843 jour de la mort de Hahnemann, jour où l’ensemble des médecins homéopathes sont réunis par Léon SIMON.
Révisionisme La Société de Médecine homéopathique de Paris pose en 1845 le principe de la révision de la doctrine : le principe de similitude n’est pratiquement plus reconnu ! Riposte de la Société Hahnemannienne de Paris (SIMON, JAHR, CROVERIO) qui propose de propager la “vraie doctrine” et qui prône les hautes dynamisations refusées par les “éclectiques”.
Cependant en 1850, les deux sociétés “ennemies” fusionnent en une “Société Gallicane de médecine homéopathique”.
Au milieu des querelles, les homéopathes travaillent : MURE fait paraître sa doctrine de l’école de Rio de Janeiro avec 39 nouvelles pathogénésies brésiliennes.
JAHR fait paraître sa nouvelle pharmacopée et posologie homéoathique qui est la lère pharmacopée homéopathique complète.
L’ECLECTISME FRANÇAIS
Jean Paul TESSIER, médecin des hôpitaux de Paris et son élève Pierre JOUSSET pratiquent une homéopathie que renient les partisans de l’Hahnnemanisme “pur”. TESSIER utilise une démarche thérapeutique mixte, homéopathique limitée à la similitude et allopathique chaque fois que cela lui parait indispensable. Ainsi TESSIER est condamné par les deux camps : par les “Hahnnemaniens puristes” et par les médecins hospitalo universitaires ses collègues directs !
Disparition de la Société Gallicane
En 1860 l’unité de façade des médecins homéopathes éclate : JAHR multiplie les efforts pour défendre “l’homéopathie pure” et TESSIER fonde “la Société médicale homéopathique de France” qui se développe rapidement.
Reconnaissance universitaire de l’homéopathie en France et ... condamnations politiques
En 1835 l’académie de médecine avait définitivement condamnée l’homéopathie (elle ne changera pas d’avis dans les deux siècles suivants !) En 1858, l’homéopathie reçoit un “blâme” des tribunaux
En 1865, le Sénat de l’Empire émet un vote dilatoire publié dans le Moniteur (le J.O. de l’époque)
Malgré cela l’enseignement universitaire de l’homéopathie se développe (Paris avec Pierre JOUSSET, Clermont Ferrand avec le professeur IMBERT GOUBEYRE). Le Ministre de l’Instruction publique autorise l’enseignement de l’homéopathie.
LA QUERELLE DES “HAUTES DYNAMISATIONS”
Après l’échec constitué par le vote du Sénat de 1865, les homéopathes, réunis dans la Société Médicale homéopathique de France, tentent d’harmoniser leurs conceptions et leurs pratiques (ce n’est ni la première ni la dernière fois !) Les débats portent essentiellement sur les « hautes dynamisations » : les « Hahnemanniens purs y croient », les autres « n’y croient pas » ! Il est décidé de repousser le problème : « les questions de la dose et de la hauteur de dynamisation sont laissées à l’appréciation clinique de chacun »
LE DEVELOPPEMENT DES HOPITAUX HOMEOPATHIQUES
Avant la guerre de 1870, deux hôpitaux libres dédiés à l’homéopathie sont créés à Paris : l’hôpital Hahnemann (Léon SIMON fils) et l’hôpital St Jacques (Pierre JOUSSET).L’hôpital St Luc sera créé à Lyon en 1875.
LA FIN DU XIX EME SIECLE
Trois évènements majeurs : La guerre franco allemande de 1870 Le développement important de l’homéopathie « classique » en Amérique La domination de la médecin française pour le Pasteurisme. La guerre de 1870
La France sort amoindrie par la guerre, mais l’antagoniste entre les deux écoles d’homéopathie persiste : seul l’anniversaire d’Hahnemann réunit une fois par an les deux groupes.
Le développement de l’Homéopathie anglo saxonne
En France, l’homéopathie stagne alors que le Pasteurisme triomphe. Aux Etats-Unis d’Amérique, l’homéopathie est particulièrement vivante avec les travaux de ALLEN, HERING, HUGUES et dépasse de loin l’homéopathie européenne avec, en particulier, la publication de l’Encyclopédie de Matière Médicale pure.
La domination de Pasteur
La médecine française élabore le Pasteurisme qui triomphera dans le monde entier et dominera la pensée médicale pendant tout le siècle suivant. Cependant les homéopathes, malgré leurs querelles perpétuelles, avaient deviné que la théorie microbienne de Pasteur n’était pas toujours si uniformément valable et ils émirent de fortes réserves au cours du congrès international de 1889.
LA SOCIETE FRANCAISE D’HOMEOPATHIE
C’est également en 1889 qu’est fondée la Société Française d’Homéopathie (SFH) Les Hahnemanniens purs et les pluralistes (« éclectiques ») s’entendent sur un minimum commun : 1 – le principe de similitude2 – l’emploi de doses infinitésimales
3 – la valeur de la Matière Médicale ainsi que sur le respect absolu de la méthode expérimentale.
L’ENTREE DANS LE XX ème SIECLE
Pierre JOUSSET puis ses élèves, dont Edouard VANNIER, reconnaissent la médecine pasteurienne comme complément de l’œuvre de Claude BERNARD et entreprennent les premières expérimentations homéopathiques dans le laboratoire de l’hôpital St Jacques. Cependant ils méconnaissent l’apport des homéopathes américains et ne savent pas tirer de la Matière Médicale toute la valeur clinique qu’elle contient ni la confronter avec les progrès de la médecine « officielle ».
LE KENTISME Des Français prennent connaissance de l’œuvre de James Tyler KENT grâce au suisse NEBEL et à l’anglais BARLEE. De nombreux médecins homéopathes français s’enthousiasment pour les très hautes dynamisations venues d’Amérique qui se montrent actives malgré leurs chiffres astronomiques ! Cela suffit à certains pour admirer les Anglo-Saxons, sans véritable examen critique et pour dénigrer l’homéopathie française scientifique de Pierre JOUSSET et ses collaborateurs. La scission réapparaît, plus nette que jamais, et la société Française d’homéopathie en 1909 émet un vote qui désapprouve entièrement les très hautes dynamisations.
Pierre JOUSSET meurt en 1910, Léon VANNIER créé la revue l’Homéopathie Française en 1912, autour de laquelle s’organise l’enseignement « à la française », éclectique, pluraliste et « scientifique ».Les partisans de l’Homéopathie Hahnemannienne « pure » et des très hautes dynamisations se regroupent dans la Société d’homéopathie du Sud Est et de la Suisse Romande ou Société Rhodanienne d’Homéopathie.
L’AVANT GUERRE DE 1914-18
Le clivage entre homéopathes « purs » et « impurs » est manifeste mais l’homéopathie en tire du bénéfice, probablement par la compétition et l’émulation, qui favorise la multiplication des médecins homéopathes en France alors que le déclin va être rapide aux USA après la mort de KENT (1915)
L’ immédiat après guerre de 1914-18
Les médecins homéopathes français, Kentistes ou pluralistes, restent en liaison avec l’étranger, en particulier avec les pays anglo-saxons et participent en 1925, à Rotterdam, à la fondation de la Ligue Homéopathique Internationale.